L'Heure



Ç’aurait dû être l'heure, à cette heure, ç'aurait dû
Comme à celle d'avant, pas si lointaine
Il n'y a plus d'heures à venir
L'une après l'autre déjà dissoutes dans l'eau fangeuse des mises à exécution
C'était l'heure avant
Celle où devait s'arracher des paumes humides, dans le confort des tâches enfin closes
Les rejetons des afflictions attachées au poignet comme des chiennes
Enfin, enfin englouties dans les viscères
Enfin l'heure des dégustations lentes et des regards vers les ombres musclées de l'épreuve s'estompant
C'était là, à portée de volonté, un moment de grâce arraché à la constance impavide des  malveillances
De ce qui d'heure en heure prend la courbe peu visible d'un destin
C'était là, et présent comme la ligne d'arrivée brûlante d'une course qui épuisa les décennies passées
Il y avait dans chaque foulée l'idée de sa propre fin
La certitude d'anoblir l'abject et d'en extraire sa magnitude aurifère
C'était l'heure il y a longtemps, et je l'attends encore
Convaincue par les bruits amortis si lointains de la paix et des songes
Qu'à vie est la condamnation à l'enfermement
Muets batailles et efforts, travaux obstinés, croisades pour rejoindre des idéaux surannés,  extraction à l'infini de la patience
N'ont eu comme réverbération
Que le frémissement du salpêtre sur les murs d'une incarcération opaque
D'où ne sourd avec constance qu'une tristesse sans fond
S'égarant elle aussi dans le vide peu bavard des énigmes fatales.





Mai 2015